Michel Berger

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De Gershwin à Jean Leloup...
La Presse

Article de La Presse, de Montréal, du mardi 4 Août 1992.



Michel Berger est né le 26 novembre 1947, fils de Jean Hamburger, grand professeur de médecine, décédé en février dernier, et d'une pianiste classique. Petit, il aimait "les petites voitures, le chocolat et la musique", selon ses proches.

Il entre en musique à l'âge de 16 ans, en pleine vague yé-yé, enregistre un premier album, aujourd'hui introuvable, Puzzle. Après une maîtrise de philosophie et un mémoire détonant sur la Pop Music, il devient le premier producteur de Véronique Sanson et écrit pour Françoise Hardy Message personnel ("Ma plus belle chanson", dit-elle).

"Si quelqu'un m'a amené à la musique, c'est vraiment Gershwin". Michel Berger rendait hommage à ses inspirateurs, l'auteur de Rhapsody in Blue, ou Ray Charles qui a "amené le jazz à tout autre chose" et lui a fait abandonner le piano classique.

La Déclaration, en 1974, ou la rencontre: Michel Berger devient pour France Gall plus qu'un Pygmalion. Il écrit toutes ses chansons, impose un style romantique. Suit une cascade de tubes, mais aussi un engagement, quasi-philosophique, et des thèmes d'actualité: la misère du tiers-monde, l'Afrique, les enfants abandonnés, des refrains comme Babacar. Michel Berger disait adorer et détester son époque.

Quand Berger compositeur écrit pour Berger chanteur, cela donne Quelques mots d'amour, La Groupie du pianiste, Mademoiselle Chang. Il revendique "simplement le droit à la différence, à l'affirmation de soi, à la tolérance" (lors de la sortie de son album Différences), refuse les stéréotypes de la variété française.

Enfin, sa rencontre avec Plamondon, les nombreuses reprises de Starmania, et la création de La Légende de Jimmy, donnera de nombreux succès et révélera, en France comme au Québec, des interprètes de deux générations parmi lesquels il faut mentionner Fabienne Thibault, Diane Dufresne, Nanette Workman, Claude Dubois, Martine St-Clair, Marie Carmen, Marie-Denise Pelletier, Jean Leloup, les frère Normand et Richard Groulx, Diane Tell, tout comme les Français Daniel Balavoine et Renaud Handsen et la Belge Maurane.



La chanson française perd un musicien qui a lancé de nombreuses carrières
Dostie, Bruno
La Presse

Article de La Presse, de Montréal, du mardi 4 Août 1992.



"J'ai perdu non seulement mon meilleur ami, mais aussi mon plus proche collaborateur artistique et professionnel", a déclaré hier Luc Plamondon, après avoir appris la mort subite de Michel Berger, dimanche à son domicile de Ramatuelle, près de Saint-Tropez, sur la Côte d'Azur.

Michel Berger, qui est né à Paris en 1947, de son vrai nom Hamburger, allait avoir 45 ans le 26 novembre.

Trop bouleversé par la disparition de son partenaire de Starmania et de La Légende de Jimmy pour faire part de ses réactions aux médias de vive voix, Luc Plamondon, qui parle d'un "choc immense" dans la déclaration écrite qu'il a remise à la presse avant de s'envoler pour Paris hier soir, "demande le droit au silence". Ajoutant seulement: "Il sera à mes côtés pour monter Starmania à Londres en septembre", et La Légende de Jimmy à Montréal en novembre."

Le chanteur et compositeur français terminait des vacances d'un mois dans sa propriété de la Méditerrannée. Il devait rentrer à Paris hier pour commencer à répéter le spectacle qu'il devait présenter avec sa femme France Gall, à la Cygale en octobre, et à Bercy en juin de l'année prochaine. Double jeu, le premier disque qu'ils aient enregistré ensemble depuis leur mariage au milieu des années 1970, sera donc en même temps son dernier.

Et l'adieu à leurs deux jeunes enfants: Pauline, 13 ans, et Raphaël, 11 ans.

Ce dernier disque lancé le 15 juin en France, devait justement arriver chez les disquaires du Québec aujourd'hui.

Coïncidence qui ne fait que s'ajouter à l'étrangeté d'une mort qui choque d'autant plus ses proches que personne ne se l'explique.

Je l'crois pas, je l'crois pas

"Il n'était pas malade du tout, il ne buvait pas, ne fumait pas, ne prenait pas de drogue", a déclaré pour sa part hier à La Presse Nanette Workman, qui avait été de la création parisienne de ses deux opéras-rock: Starmania en 1978, et La Légende de Jimmy il y a deux ans.

Visiblement bouleversée par la disparition prématurée de celui qui était plus qu'un collaborateur pour elle également -"On se voyait en dehors du travail, je connaissais bien sa famille"-, la chanteuse québécoise ne pouvait que répéter "je l'crois pas, je n'arrive toujours pas à y croire. Il avait tout: l'amour, une belle famille, l'argent, le talent, des amis. Et même la santé. Ça ne peut pas être congénital. Son père qui venait juste de mourir, avait 83 ans. La seule chose que je vois, c'est qu'il était workaholic."

Le chanteur montréalais Richard Groulx, qui a été le businessman de Starmania lors de la reprise de 1988 au Théâtre des Champs-Élysées, parle d'un "passionné" et d'un "grand nerveux", qui "était là tous les soirs, pas juste à la première", et qui "brassait bien des affaires en même temps".

Mais il garde aussi de cette expérience le souvenir d'"une grande famille. On se voyait encore même si c'est fini depuis deux ans. Tout le monde allait manger ensemble. Et cela s'appliquait aussi aux gens de la technique. Il y en a justement deux qui sont de passage chez moi à Montréal. Ils l'ont appris en même temps que moi. Ils sont aussi bouleversés."

Selon son attachée de presse montréalaise Francine Chalout, qui a connu Michel Berger avant même sa rencontre avec Luc Plamondon, lors de son premier passage au Québec avec Véronique Sanson au début des années 1970, "Michel Berger n'était pas malade. Il venait de faire une partie de tennis lorsque l'attaque est survenue. Il s'est senti fatigué. Il a demandé à se reposer. Et il est mort peu de temps après chez lui", bien que sa mort n'ait été annoncé que plus tard en soirée, à l'hôpital de Saint-Tropez, où il a été transporté pour autopsie dimanche soir.

L'homme de toutes les carrières

Le père de Michel Berger, le professeur Jean Hamburger, était l'un des membres les plus éminents de la profession médicale française. Ce qui peut expliquer l'homme raffiné et cultivé que tout le monde décrit. Dès son enfance, lors d'un voyage en Californie, il avait le privilège de rencontrer Ira Gerschwin, le parolier et frère du célèbre compositeur George, une rencontre qu'il a toujours décrite comme capitale pour sa vocation de musicien.

Michel Berger n'a que 18 ans lorsque paraît Puzzle, un premier disque pour piano et orchestre rock aujourd'hui introuvable.

Depuis, Michel Berger a publié huit albums solo et fait les grandes scènes parisiennes en tête d'affiche. Mais il en également écrit et réalisé huit pour sa femme France Gall, dont il a relancé la carrière avec des succès comme La Déclaration, Il jouait du piano debout, Débranche, Hong Kong Star, Cézanne peint, et plus récemment Ella, Ella, sur Ella Fitzgerald.

Il a aussi été l'un de ceux qui a contribué au lancement de Véronique Sanson. Pour Françoise Hardy, dont il a été un collaborateur régulier, il a écrit des choses comme Message personnel. Et c'est lui qui a relancé une autre grande carrière française, celle de Johnny Halliday, en 1985, avec l'album Rock'n roll attitude qui allait le conduire à Bercy.

Michel Berger a aussi écrit pour Elton John, qui a chanté Donner pour donner en duo avec France Gall.

James Dean, c'est lui

Mais de son propre aveu, c'est sa rencontre avec Luc Plamondon, et Starmania, qui allait donner un nouvel élan à sa propre carrière en 1978-79. Il avait téléphoné au parolier québécois après avoir "craqué" sur deux des disques qu'il a écrit pour Diane Dufresne, dont Opéra cirque.

Et comme le mentionne Luc Plamondon dans la déclaration qu'il a publiée hier, cette mort survient maintenant au moment même où la création prochaine de Starmania à Londres -dans la traduction anglaise que Tim Rice en a faite sous le titre de Tycoon- "est l'aboutissement d'un rêve de 15 ans".

Et qui sait si de là, comme ce fut le cas pour Cats, Les Misérables, The Phantom, Miss Saïgon qui ont d'abord connu le succès dans la capitale britannique, la prochaine étape ne sera pas Broadway?

"En montant La Légende de Jimmy (sans lui) à Montréal en novembre, j'aurai l'impression que c'est de lui qu'il s'agit", écrit donc Luc Plamondon en terminant son témoignage. "Il avait tellement en commun avec James Dean: cette façon de vouloir tout tout de suite, ce refus total de vieillir, cette ambition aussi démesurée que son talent, et surtout ce désir profond de projeter son étoile très haut dans le firmament"...



Des obsèques intimes pour Michel Berger
Ap, Paris
La Presse

Article de La Presse, de Montréal, du vendredi 7 Août 1992.



Les proches, quelques artistes, peu de personnalités: l'intimité souhaitée par la famille a été respectée hier lors des obsèques de Michel Berger, mort d'une crise cardiaque à 44 ans dans la nuit de dimanche à lundi.

Ceux qui n'avaient pas pu venir avaient fait déposer des gerbes et des bouquets de fleurs, tels Danielle et François Mitterrand, le compositeur Didier Barbelivien, la Fondation pour la recherche médicale, plusieurs maisons de disques ou le théâtre de l'Olympia où il s'était produit.

Innombrables roses et lys blancs, rappelant peut-être ce Paradis blanc dont il parlait avec prémonition dans son dernier succès: "Je m'en irai dormir dans le paradis blanc / Où les nuits sont si longues qu'on en oublie le temps"...

De nombreux artistes étaient venus témoigner leur sympathie à l'épouse du chanteur, France Gall, et ses deux enfants, Pauline, 13 ans, et Raphael, 11 ans. Véronique Sanson, dont Michel Berger avait produit les deux premiers albums, et Patrick Bruel, visiblement émus, se sont effondrés en larmes au moment de l'inhumation.

Le monde du show-biz était également représenté par Johnny Hallyday qui devait beaucoup au compositeur pour l'avoir aidé à franchir un tournant important de sa carrière en 1985, avec l'album Rock N'Roll Attitude (produit, réalisé et écrit par Berger) où figure le tube Quelque chose de Tennessee.

D'autres artistes encore étaient là pour rendre un dernier hommage à l'ami qu'ils avaient côtoyé ou au professionnel avec qui ils avaient parfois travaillé: Françoise Hardy -pour qui Berger avait écrit Message personnel-, Michel Jonasz, Alain Souchon, Laurent Voulzy, Yves Simon, Gérard Lenorman ou le comédien Richard Anconina. Représentant le gouvernement, le ministre de la Culture Jack Lang assistait lui aussi aux obsèques.

Michel Berger repose au cimetière de Montmartre (18e) aux côtés de son père, le professeur Jean Hamberger, mort en février, et tout près de son frère Bernard, décédé en 1982.

France Gall, les yeux cachés derrière des lunettes noires, est restée serrée contre ses deux enfants la majeure partie de la cérémonie. C'est elle qui a demandé à Jacques Attali, un ami du couple, de prononcer l'oraison funèbre.

"Tout ce qui est rare est fragile, et Michel était rare, a dit l'ancien conseiller du président Mitterrand. Michel ne voulait pas être une star mais un artiste. (...) Son art est inclassable." En tout cas, pour Jacques Attali, ce "Pierrot lunaire a influencé le goût musical de toute une génération".

Les centaines d'admirateurs anonymes ont dû attendre aux portes du cimetière plusieurs heures avant de pouvoir ensuite se recueillir sur la tombe de leur idole. Jeunes et moins jeunes, tous auraient sans doute pu fredonner les chansons si populaires de Michel Berger.

Devant le cimetière, sur un banc de l'avenue-Rachel, une adolescente pleurait à chaudes larmes la disparition de son chanteur préféré. Elle était arrivée tôt dans la matinée, expliquaient ses amies, elles-mêmes les yeux humides, alors qu'elles tentaient en vain de la consoler.

Et puis, les autres anonymes, badauds, touristes ou vrais fans du chanteur, souvent une rose ou un bouquet à la main, attendant patiemment que les portes du cimetières s'ouvrent aussi à eux. Alors, dans un défilé ininterrompu, ils sont allés se recueillir. Devant la tombe, tous auraient pu acquiescer aux derniers mots du discours de Jacques Attali: "Le temps est à la colère, à la rage, à la révolte."


 

Un triomphe endeuillé
La Presse

Article de La Presse, de Montréal, du vendredi 14 Août 1992.


Normalement, le lancement de Starmaniaen anglais sous le titre de Tycoon aurait été le party de l'année. Mais hier soir, le fantôme de Michel Berger hantait la Cinquième salle de la Place des Arts, où l'heure était plus au réconfort qu'au triomphe pour les nombreux artistes québécois qui l'ont connu et aimé. Avant de leur faire entendre le disque pour la première fois, à eux ainsi qu'aux représentants des médias qui avaient été invités, Luc Plamondon a donc préféré rendre à son ami et collaborateur un hommage qu'il a lu d'une voix brisée.


 

Requiem pour l'ami disparu trop tôt
Pour Luc Plamondon, il reste à se battre pour l'oeuvre de Berger
Dostie, Bruno
La Presse

Article de La Presse, de Montréal, du samedi 29 Août 1992.



"Il a quitté Fairmount, Indiana, où il est né à l'âge de 9 ans, avec le corbillard de sa mère, et il y est revenu dans le sien, à l'âge de 24 ans. Toute sa vie, il avait voulu être acteur, mais les trois films qu'il a faits ont tous été tournés dans la dernière année de sa vie. Le tournage de Giant s'est terminé la veille de sa mort. East of Eden est le seul sorti de son vivant."

L'autre film de James Dean est Rebel Without A Cause.

Si bien qu'au moment de la remonter à Montréal après la disparition prématurée de Michel Berger, La Légende de Jimmy prend pour Luc Plamondon "une signification terrible". Presque chaque mot de Mourir comme lui" -une des chansons que Bruno Pelletier reprendra sur la scène du Théâtre Maisonneuve dans le rôle du teenager qui se prend pour James Dean- s'appliquant aujourd'hui à l'ami avec lequel il écrivait cet opéra-rock qui avait pour titre de travail Requiem pour un héros moderne.

Comme Mozart mort à l'âge de 35 ans, dit l'auteur en deuil, "il aura donc écrit son propre requiem avant de mourir".

Le lendemain de la mort de Berger, le 3 août, Plamondon était tellement bouleversé, que c'est par écrit qu'il dressait déjà ce parallèle pour la presse. "Il avait tellement en commun avec James Dean, écrivait-il: cette façon de vouloir tout, tout de suite, ce refus total de vieillir, cette ambition aussi démesurée que son talent, et surtout ce désir profond de projeter son étoile très haut dans le firmament."

Ensuite à Paris, pour les funérailles, c'est à lui que la femme de Michel Berger, France Gall, demandait de monter dans le corbillard. Au cimetière, c'est lui qui tenait la petite Patricia Berger par la main. Sa filleule. Tout le gratin mondain était là. Deux cents photographes les mitraillaient. Le cauchemar.

"Contrairement à ce qu'on pourrait croire, dit Luc Plamondon, je suis un solitaire. Le jet set, ça m'amuse. Ça m'amuse d'ailleurs moins aujourd'hui. Je suis plutôt spectateur. Dans la vie, je suis quelqu'un qui parle peu. Michel était comme moi. Pas jet set du tout. Il fuyait tout ça. Vivait avec son clan. Avec lui, je ne m'ennuyais jamais. Je me rend mieux compte de ce qu'il était pour moi maintenant. On se comprenait à demi-mot. Nous avions dépassé le stade de la pudeur. Nous n'avions plus besoin de performer l'un pour l'autre. Nous pouvions échanger nos brouillons. Ça n'avait plus besoin d'être parfait avant qu'on se les montre. C'est très rare, ça.

"Quand on s'est retrouvé pour la Légende après dix ans, on a repris là où l'on s'était quitté avec Starmania. La première fois, il avait fallu des mois -comment on dit, déjà, pour les animaux?- pour s'apprivoiser."

En dehors de l'éphémère

Consolation qui vaut ce qui vaut, cette complicité, c'est aussi celle que Luc Plamondon a retrouvé en renouant avec son vieux complice de l'époque Diane Dufresne, François Cousineau qui écrit les musiques de son "éternel projet de film musical" sur Kanahwake, qui dans le meilleur des cas maintenant, ne pourra pas être tourné avant 1994. La version de scène des Romantiques, qui sera créée à Paris en novembre, la suite à donner à La Légende de Jimmy, et les débuts londoniens de Starmania, lui prenant toujours le meilleur de son temps.

Et c'est bien le plus révoltant de tout ça pour Luc Plamondon: que la mort de Michel Berger survienne au moment précis "où il se voyait commencer une carrière de compositeur internationale".

"Michel en était rendu au même point que moi", poursuit l'auteur qui a, comme le compositeur, progressivement délaissé la chanson pour des oeuvres plus ambitieuses, et plus personnelles. "Il considérait qu'il avait consacré suffisamment de temps à la chanson. Il voulait passer à autre chose. Aujourd'hui, les radios et les maisons de disques prétendent tout diriger. Ils nous disent quoi faire. Comme ci. Pas comme ça. On vit dans un monde de hits immédiats, de chiffres de vente, de cotes d'écoute. C'est éphémère. Nous deux, on s'est toujours situé en dehors de ça. Nos succès ont toujours été à contre-courant. C'est sur la durée qu'on juge les grandes chansons, comme les grands artistes. Michel voulait faire autre chose. Il voulait faire des oeuvres.

"Je lui avais parlé d'une nouvelle idée en juin. Nous n'avions pas vraiment eu le temps de nous y atteler. Mais une semaine avant sa mort, il m'avait placé devant un ultimatum. Il disait qu'il travaillerait avec un autre si nous ne nous y mettions pas tout de suite. La veille de sa mort, nous avions pris rendez-vous.

- Qu'est-ce que c'était, ce sujet?

- J'aime autant ne pas en parler. Je ne sais plus ce que je vais en faire à présent. Ça m'est difficile d'y penser. J'ai l'impression que si je le reprends avec quelqu'un d'autre, je vais toujours essayer d'imaginer la musique que lui aurait faite à la place."

Cueillir des fruits mûrs

Pendant cette entrevue qui avait lieu lundi, trois semaines après la mort de Michel Berger, il arrivait encore à l'occasion, sur des sujets plus brûlants, que Luc Plamondon détourne les yeux. Que sa voix, imperceptiblement, change de timbre. Dans les jours qui ont suivi, il semblait tellement brisé, qu'on pouvait craindre qu'il n'en sorte cassé.

Lui aussi a quelques traits communs avec leur héros James Dean. C'est du moins ce qu'il affirmait le lendemain, lors du dévoilement de la distribution québécoise de la Légende. Né sur la ferme. Orphelin très jeune de la mère qui était l'artiste de la famille. Monté en ville avec l'ambition de devenir acteur, ou chanteur.

Mais dans son cas, le parallèle semble s'arrêter là. Le cap de la cinquantaine atteint depuis mars dernier, Luc Plamondon ne peut plus prétendre au destin de ceux que la mort emporte dans la fleur de l'âge. Et d'ailleurs, une fois le choc passé, il est vite retombé sur ses pieds. Aussi solide, actif et efficace que toujours. Ce qu'il garde de l'épreuve, c'est la combativité.

"Je vais me battre pour que la Légende soit montée partout. On a des propositions en Allemagne et au Japon." Déjà, confie-t-il, il a approché Lewis Furey pour la traduction en langue anglaise. Il y a des affinités. Depuis quatre ans, Carole Laure et Furey faisaient partie du clan Gall-Berger.

Dans le cas de la production québécoise, la mort de l'ami n'a de toute façon pas vraiment modifié les choses, "sinon qu'il ne sera pas là. Pour le Québec, il m'a toujours laissé carte blanche. Ce fut déjà le cas pour les deux versions de Starmania".

- Luce Dufault, Bruno Pelletier, c'est des quasi-inconnus. Ce n'est pas la première fois. Comment choisissez-vous vos interprètes?

- On ne fait pas des découvertes, on cueille des fruits mûrs. On se tient à l'affût, on consulte. Dans le cas de Luce et Bruno, tous les avis convergeaient. Fabienne Thibeault, quand je l'ai vue à la Chant'août, j'ai tout de suite su que c'était Marie-Jeanne. Balavoine, c'est Michel qui l'avait vu à la télé. Il chantait comme il aurait aimé chanter. Moi, c'est Dubois qui chantait comme j'aurais voulu. Dans le cas de Maurane, Michel la voyait en Stella Spotlight, moi en Marie-Jeanne. Lui était plus sensible aux voix, à ce qu'elles donneraient sur sa musique. Moi, j'ai toujours eu un faible pour les chanteuses théâtrales, comme Diane Dufresne, Louise Forestier. J'ai vu Joe Bocan dans l'Opéra de Quat'sous. J'aimerais travailler avec elle un jour. Nos goûts étaient souvent différents, mais c'était stimulant. Pour que ça marche, il faut qu'il y ait une espèce de provocation entre auteur et compositeur. C'est comme ça avec François Cousineau aussi.

Un "musical" anglais

- Et avec Tim Rice? Est-ce qu'il a été plus qu'un traducteur?

- En Angleterre, c'est un personnage. Evita, Chess, Jesus Christ Superstar, Joseph and his Amazing Technicolor Raincoat, sa première avec Andrew Lloyd Weber, qu'on a reprise et qui est le gros hit, actuellement à Londres. Il est en train d'écrire pour Disney, avec Elton John. Evita doit être repris au cinéma avec Madonna. Forcément, Starmania devient SON nouveau musical. Il voulait revenir au rock. C'est pour ça qu'il a laissé Lloyd Weber.

- Est-ce que la version de scène de Tycoon va être très différente de Starmania?

- Il y avait presque trente chansons dans la version originale. C'était trop. Déjà, Michel et moi, on en avait éliminé plusieurs en cours de route, de même qu'un personnage. Celui du gourou. Nous allons en enlever encore pour Londres. On va utiliser davantage les grands thèmes. Dans un musical anglais, il y a toujours quelques thèmes qui reviennent plusieurs fois.

- Et ensuite?

- Denys Arcand disait, "j'ai cinq sujets de film en tête. Compte tenu du temps que ça prend, c'est probablement tout ce que j'aurai le temps de faire avant ma mort. Et il vient de s'embarquer sur autre chose avec Des restes humains non identifiés. C'est comme moi. À part le projet que j'allais commencer avec Michel, j'ai cinq sujets de comédies musicales. C'est probablement tout ce que j'aurai le temps de faire..."

Luc Plamondon était venu à Montréal, il y a deux ans, en compagnie de Michel Berger, pour lancer le disque de la "Légende de Jimmy" Cette semaine, il présentait à la presse la distribution entièrement québécoise de la création montréalaise de cet opéra-rock. Devant le Théâtre Maisonneuve où il prendra l'affiche le 17 novembre, on reconnaît Bruno Pelletier et Luce Dufault à la droite de l'auteur, Nanette Workman et Yves Jacques à sa gauche.



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Dernières modifications: le 06-04-97.